30 août, Baïa Mare : le dictionnaire salvateur

Acte de naissance de Moïse Isaac (Marcel) Sternberger conservé aux Archives nationales de Baïa Mare. (photo Nathaniel Baruch)
Coriolan Suciu est un bienfaiteur de l’humanité. Sans lui et son Dictionnaire historique des localités de Transylvanie (Dicționar istoric al localităților din Transilvania, București, Editura Academiei Republicii Socialiste România, 1967-1968) je n’aurais sans doute jamais retrouvé Ierce, le village où est née Etus Sternberger, la mère de mes deux frères. Je sais désormais que Ierce, que j’avais cru, à tort, être devenu Iersnic, près de Timisoara (voir l’article du 24 août, « Introuvable Etus »), est en réalité Ercea, petit village niché entre Targu Mures et Reghin, bien plus à l’est. Sans le dictionnaire de M. Suciu, qui répertorie avec érudition les noms successifs allemands, hongrois et roumains qu’ont pris, au fil des siècles, les villes et les villages de Transylvanie, je serais passé à côté.La chance m’est tombée dessus alors qu’à Baïa Mare, installé dans un bureau des Archives nationales, je feuilletai les registres des naissances de la région. La veille (voir l’article du 31 août : « Arcanes administratifs »), un dragon aux cheveux rouges m’avait littéralement jeté des services de l’état civil de Sighetu Marmatiei où j’avais la prétention d’obtenir l’acte de naissance de Marcel Sternberger, un cousin d’Etus. Nés l’un et l’autre en 1899, les deux cousins, je le savais de plusieurs sources, avaient été très liés avant guerre, lors de leur exil commun en Belgique. L’un, pensai-je, pouvaient, me mener à l’autre. Après tout, leurs pères respectifs n’étaient-ils pas frères ?Lorsque je suis arrivé aux archives, Marius Uglea, l’un des historiens du service, m’a aussitôt apporté le gros registre des naissances de l’année 1899. Aussi simple que cela. Quelques minutes plus tard, j’avais sous les yeux l’acte de naissance de Marcel Sternberger, né, comme déjà lu sur d’autres documents, le 19 octobre 1899. Je n’étais, en revanche, guère plus avancé en ce qui concerne Etus. Rien sur l’acte de naissance du cousin n’évoquait ou ne mentionnait Ierce, lieu de naissance de la cousine. Perplexe, je me suis retourné vers mon historien. Il a brièvement réfléchi, a décroché son téléphone et, quelques minutes plus tard, l’une de ses collègues déboulait avec le dictionnaire de M. Suciu.

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24 août, Iersnic : introuvable Etus

Etus Sternberger et ses deux enfants, Hermann (à gauche) et Marcel (à droite). La date et le lieu de la photo sont inconnus.

Des milliers de Juifs qui, avant guerre, habitaient Timisoara, il n’en reste plus aujourd’hui que quelque sept cents, représentés par Luciana Friedmann, 34 ans, présidente de la communauté juive locale. Son bureau est adossé à la synagogue, aujourd’hui fermée, du centre de la ville. C’est un univers de femmes, souvent âgées, auquel seuls deux jeunes hommes effacés apportent leur concours. Luciana travaille dans un vaste appartement organisé autour d’une cour intérieure que l’on aperçoit du balcon, en se penchant par dessus une rampe de fer forgé. Les murs sont sombres, les meubles sont pesants et disparates et les tableaux qui représentent les anciens notables de la communauté sont à l’avenant. Tout cela fait irrésistiblement penser à la Vienne et à la Budapest impériales de la fin du XIXème siècle.

L’essentiel du travail communautaire consiste à assurer soins aux malades et aide financière aux démunis. Quelques activités culturelles et cultuelles complètent le tableau. Et, accessoirement, grâce à ses bonnes relations avec les autorités, la communauté et sa présidente aident les voyageurs de passage sur les traces de leur famille disparue.

Luciana Friedmann, présidente de la Communauté juive de Timsoara

 

Au pied de la synagogue de Timisoara.

Je suis à Timisoara à la recherche d’Etus Sternberger, la mère de mes deux demi-frères. Hormis qu’elle est morte en déportation avec ses deux enfants, je ne sais pas grand chose d’elle.  Je n’ai appris son nom que tardivement, presque accidentellement, en lisant un document négligé dans les papiers de mon père décédé. Puis en découvrant l’acte de naissance de ses deux fils, nés à Anvers respectivement en 1928 et 1931, j’ai vu qu’Etus était née en 1899 à Ierce, village situé à quelque quatre-vingt kilomètres de Timisoara.

Ierce s’appelle aujourd’hui Iersnic ; Luciana Friedman y téléphone et, après quelques détours, atterrit à la mairie de Manastur où sont tenus les registres des villages environnants, dont ceux de Iersnic. Une employée communale, Marussia Ulici, m’y attend pour les feuilleter avec moi.

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Chou blanc

Vaine recherche : ni le registre des naissances, ni celui des mariages ne contient le nom d’Etus Sternberger. Marussia Ulici se prête aimablement à toutes mes demandes, courant chercher aux archives les lourds registres où j’espère trouver un nom ou un indice. Peine perdue.

Je ne serai pas plus heureux à Iersnic. Le village est magnifique, les oies y courent en liberté et les femmes à fichus assissent devant devant leur maison observent paisiblement le nouvel arrivant. Mais personne n’a entendu parler d’une famille Sternberger qui aurait, il y a maintenant plus de cent ans, habité ici. Décevant.

Iersnic

 

Iersnic : nous ne connaisons pas de Sternberger.