Coriolan Suciu est un bienfaiteur de l’humanité. Sans lui et son Dictionnaire historique des localités de Transylvanie (Dicționar istoric al localităților din Transilvania, București, Editura Academiei Republicii Socialiste România, 1967-1968) je n’aurais sans doute jamais retrouvé Ierce, le village où est née Etus Sternberger, la mère de mes deux frères. Je sais désormais que Ierce, que j’avais cru, à tort, être devenu Iersnic, près de Timisoara (voir l’article du 24 août, « Introuvable Etus »), est en réalité Ercea, petit village niché entre Targu Mures et Reghin, bien plus à l’est. Sans le dictionnaire de M. Suciu, qui répertorie avec érudition les noms successifs allemands, hongrois et roumains qu’ont pris, au fil des siècles, les villes et les villages de Transylvanie, je serais passé à côté.La chance m’est tombée dessus alors qu’à Baïa Mare, installé dans un bureau des Archives nationales, je feuilletai les registres des naissances de la région. La veille (voir l’article du 31 août : « Arcanes administratifs »), un dragon aux cheveux rouges m’avait littéralement jeté des services de l’état civil de Sighetu Marmatiei où j’avais la prétention d’obtenir l’acte de naissance de Marcel Sternberger, un cousin d’Etus. Nés l’un et l’autre en 1899, les deux cousins, je le savais de plusieurs sources, avaient été très liés avant guerre, lors de leur exil commun en Belgique. L’un, pensai-je, pouvaient, me mener à l’autre. Après tout, leurs pères respectifs n’étaient-ils pas frères ?Lorsque je suis arrivé aux archives, Marius Uglea, l’un des historiens du service, m’a aussitôt apporté le gros registre des naissances de l’année 1899. Aussi simple que cela. Quelques minutes plus tard, j’avais sous les yeux l’acte de naissance de Marcel Sternberger, né, comme déjà lu sur d’autres documents, le 19 octobre 1899. Je n’étais, en revanche, guère plus avancé en ce qui concerne Etus. Rien sur l’acte de naissance du cousin n’évoquait ou ne mentionnait Ierce, lieu de naissance de la cousine. Perplexe, je me suis retourné vers mon historien. Il a brièvement réfléchi, a décroché son téléphone et, quelques minutes plus tard, l’une de ses collègues déboulait avec le dictionnaire de M. Suciu. |
Belle intuition : Ierce qui, au fil des siècles, s’était tour à tour appelé Erche, Ercha, Herche, Ercze, sans oubier Ercsye, Erts, Nagy Ercse ou Jertsa, s’appelait aujourd’hui tout simplement Ercea, dans le département de Mures. Hélas, les vieux registres d’état-civil du lieu n’étaient pas conservés aux archives de Baïa Mare mais à celles de Tirgu Mures, à plus de 200 kms de là. Marius Uglea a une fois encore décroché son téléphone pour parler à son collègue, Peter Moldovan. « Il vous attend demain matin ; il va voir ce qu’il peut faire pour vous », a-t-il annoncé.
Nous avons aussitôt repris la route.